Tout commence par un petit texto de la légende Mig (Jean-Luc Mignemi) reçu le jeudi 5 juillet 2023: « Vendredi déco des Jambons au-dessus de Chorges to Belledonne … »
Oh joie ! Je suis en vacances et déjà dans le 05, étant donné l’auteur du message, je n’ai aucune hésitation et réponds par la positive à son invitation.
Il m’annonce par ailleurs que nous serons assez nombreux, une dizaine de pilotes s’étant rendus disponibles. Tant mieux, car comme le dit l’adage, tout seul on va plus vite, mais à plusieurs on va plus loin !
La conversation WhatsApp est créée et commence alors l’organisation des covoiturages et lieux de rendez-vous. Le jour J, je retrouve Seb (Guiol) et Loïc (l’infirmier) à l’Intermarché de Chorges et c’est parti pour la montée au déco. Le reste de l’équipe (Mig, Yann, Nico, William, Édouard, Cédric, Claudio et un autre Guillaume) a un peu d’avance, ayant bivouaqué au départ de la rando la veille.
La randonnée (environ 1h) jusqu’aux alpages qui nous serviront de décollage de passe sans encombre, mais non sans quelques »raccourcis » à travers les hautes herbes. Le guidage téléphonique de Yann et Ed aidant à raccrocher la troupe. Deux groupes se sont alors formés, les plus optimistes s’arrêteront pour un décollage vers 2050m d’altitude sous le Piolit. Alors que les plus sportifs monteront jusqu’au col de Chorges à 2250m. Il est à peine 10h, le soleil brille et le vent du Sud se fait déjà sentir ce qui fait monter nos espoirs d’un décollage tôt afin d’optimiser cette belle journée.
Une première aile se met en l’air depuis le Col et ça semble au moins zéroter. Je décide donc de décoller, il est environ 10h30. Les conditions sont là, ça tient, ça monte même, mais c’est très cyclique. Nous voilà 3 ou 4 à zoner à hauteur du Piolit. Je trouve un thermique plutôt bon qui tout en me décalant vers le nord me monte à 2680m, j’en profite alors pour partir en transition vers la Petite Autane. Devant, Édouard et Claudio transitent, mais bien en dessous, leur raccroche s’annonce un peu plus compliquée. De mon côté, je refais un plein sans forcer jusqu’à 2770m et enchaîne en direction du Palastre. Il n’est que 10h50.
C’est là que ça se complique, les faces raides du Palastre sont encore pas mal ombragées, je décide donc de viser le côté est, mais ce dernier est peu raide… Mauvais choix, la brise bien que faible rentre déjà, je suis donc un peu sous le vent. Je perds tout mon gaz, trouve quelques bullettes qui me permettent juste de raccrocher la pompe à couillons du décollage des Richards. Et c’est parti pour 40min de survie qui paraissent une éternité, à attendre que les faces SO passent au soleil. Pendant ce temps, le reste du groupe me passe au-dessus et sans faire mon erreur continue son chemin vers le nord.
Il est midi lorsque je quitte Soleil Boeuf à 2500m, les choses sérieuses peuvent reprendre ! C’est alors que je retrouve Yann et Guillaume (?). Ces derniers ont galéré à l’extraction, dommage pour eux, mais je suis content de ne pas être tout seul derrière et de voler un peu en groupe 🙂 Les transitons classiques du Champsaure s’enchaînent sans histoires, Banc du Peyron puis Grun de Saint Maurice. La suivante c’est Notre-Dame-de-la-Salette, mais la ligne de crête s’affaisse en y allant et retrouver une pompe rentable y est un peu moins certain.
Coup de bol, ce coup-ci ça le fait sans encombre et je remonte à 2600m. Je retrouve à ce moment Nico, qui était en fait sur mes talons depuis le Lingustier. C’est la suite qui m’intéresse le plus, car je ne suis jamais allé plus loin sur cet itinéraire. L’objectif est donc le Coiro pour lequel la transition est assez longue… suspense. La raccroche se fait sans problème, c’est même fumant ! Mais alors que j’approche du sommet du Coiro la masse d’air devient assez désagréable. J’ai du mal à comprendre l’aérologie et un bref passage sous le vent versant ouest me remotive à bien enrouler pour me replacer au-dessus de la ligne de crêtes.
Une fois au-dessus je chemine un peu aspiré par les nuages et pars à la découverte du Taillefer. Le passage sur ce dernier est plutôt bref j’enroule facilement jusqu’à 3200m et me lance alors à l’assaut de Chamrousse dont j’ai aussi pas mal entendu parlé.
Chamrousse, en y arrivant ça paraît plutôt plat, je suis dubitatif, mais je trouve une belle pompe juste avant les antennes. Ça se confirme, tous ces « spots » dont j’ai pas mal entendu parlé fonctionnent comme prévu. Reste à enchaîner sur les faces ouest de Belledonne. Là ça se complique un peu, car le vent météo du sud (j’avais 30km/h au taillefer) rend les thermiques en Belledonne plutôt mollassons. C’est du moins l’interprétation que j’en avais. S’engage alors une fuite en avant en espérant que plus je m’enfonce dans le Grésivaudan, plus la brise prendra le dessus.
Cela semble se confirmer d’un saut de puce à un autre, je retrouve une altitude acceptable, mais me rapproche de la fin de Belledonne et vois aussi les crêtes s’affaisser. Je me rappelle alors vaguement la trace d’un gros vol sur xcontest, d’un pilote passant par Megève pour relier Chamonix puis Verbier (Suisse). J’ai aussi en tête une conversation eu la veille avec Luc (ancien membre de PSV, expatrié au pied des Bauges) au sujet de la zone interdite du massif du Mont-Blanc qui force à suivre des faces est en arrivant à Chamonix.
Je profite alors d’une transition d’un relief à un autre pour étudier rapidement la cartographie sur mon téléphone et choisir une ligne logique, similaire au souvenir du vol vu sur xcontest.
Ainsi, les reliefs de Belledonne se faisant plus petit j’opte pour un tracé un peu à l’est, côté Beaufortain ou les crêtes plus hautes sont plus rassurantes… Du moins jusqu’au fameux passage où je suis censé relier Megève. Je quitte donc finalement ces hauts reliefs pour forcer un col (au Mont Bisanne) et passer au vent de la brise qui arrive d’Ugine, je suis à 230m/sol. À ce moment, j’espère fortement que cela va fonctionner, car côté nord de Bisanne c’est des gorges encaissées remplies de forêt, je reste donc vigilant et prêt à rebasculer côté sud si besoin, où les options d’atterrissage sont bien meilleures.
Cela ne sera finalement pas nécessaire, je trouve un petit thermique qui me remonte à 2300m (500m/sol) et file direction Megève. À ce moment, le visuel du relief qui s’offre à moi ne me paraît pas vraiment engageant, ça me paraît même très plat même si l’on est en altitude. Je croise les doigts et me dit qu’il est temps de faire appel à l’expérience acquise en plaine au nord de la Sainte Victoire… En fin de compte, ce sera une petite facette SO, couverte de pins, encaissée au fond d’une petite vallée, qui m’offrira en la travaillant un peu, le thermique salvateur grâce auquel je rejoindrai les crêtes.
Je chemine ensuite sereinement jusqu’au Mont Joly, croisant l’axe de la piste d’atterrissage de Megève qui fait écho à mon métier (contrôleur aérien). Un sentiment de satisfaction commence à m’envahir lorsque je refais un plein à 3150m sans forcer. De là Chamonix s’offre à moi, je sens qu’il n’y a plus de difficultés pour aller jusque-là, l’objectif est atteint.
Mais objectif atteint ne signifie pas qu’il faille s’arrêter pour autant ! Tant qu’il y a du soleil, le vol peut se poursuivre, c’est donc sans pression que je décide de continuer pour aller le plus loin possible, la Suisse peut-être?
Je transite au-dessus des Houches et raccroche le sommet des faces SE (R30C oblige) à cet endroit il s’agit de rester vigilant, car la réserve des aiguilles rouges interdit d’être à moins de 300m/sol. Les yeux rivés sur xctrack je transite au-dessus de la réserve prêt à « breaker » à droite pour sortir de ses limites latérales si ma réserve d’altitude devenait insuffisante. À hauteur du Brévent, je suis clair de la R30B et retraverse la vallée pour raccrocher la face ONO au pied de l’aiguille verte.
Ce n’est pas fameux par rapport à ce que j’ai connu jusque là, mais je récupère un peu d’altitude. Encore une petite transition vers une face SO, mais ça sent la fin je zérote à peine et le soleil passe sous la crête de la montagne en face. Me voilà à l’ombre, il est 19h15, il est temps d’aller se poser pour savourer le vol accompli et l’enchaînement des émotions vécues pendant ces 8 heures et 53 minutes.
Il est aussi temps de penser au retour, car je suis loin… 197km pour être exact (en distance 3 points).
Je plie, une courte marche me ramène à la départementale qui traverse Argentière et je commence le stop avec mon panneau « Retour Parapente ». Une première voiture s’arrête, elle va jusqu’à Ugine, en réalité cette dernière me déposera devant chez mon ami Julien Millot, celui-là même qui avait fait Pic des Mouches-Allevard (220km) l’an dernier pour son premier cross de la Sainte. Il se trouve que le lendemain ce dernier emmène des élèves en stage cross…aux Richards ! Un plat de pâtes, une bière, un canap’ pour la nuit et un retour assuré le lendemain (voiture jusqu’aux Richards puis en vol jusqu’à Chorges)… La chance sourit aux audacieux comme on dit.
Texte et crédit photo : Guillaume ROLLAND
J’aime bien tes pensées durant le vol. J’ai quelques repères én plusieurs vols.
Bravo pour enchaîner tous çes tronçons .top