Aubagne, le samedi 16 décembre 2023.
En cette fin d’année, nous approchons de Noël et pourtant la météo ne nous a pas fait de cadeaux. Peu de vols aux compteurs, souvent en raison du vent le plus défavorable qu’il soit dans la région, du Nord Ouest ! Et quand il n’y a pas de Nord Ouest c’est qu’il pleut ! Tout est humide et les thermiques sont à la peine.
Il est neuf heures du matin et comme tous les jours de repos, mes premières minutes de consciences sont réservées à l’analyse de la météo. Par chance, je suis marié à une parapentiste qui se prénomme Mathilde et qui pratique le même rituel. Nous n’avons toujours la même interprétation des données à notre disposition et nous en débattons. J’ai tendance à être (un peu trop) optimiste tandis qu’elle a tendance à être (un peu trop) pessimiste. Cela s’explique aussi par le fait que pour moi un Beau vol c’est d’abord une belle rando suivie d’un beau vol (et d’une bière 😉 )
Au pire, si on ne vole pas, on se ressource avec une randonnée en pleine nature.
Mathilde a prévu de longue date une sortie avec notre fille et entre filles, elle ne volera pas aujourd’hui.
L’idée était de faire un petit vol-rando pas loin et de pouvoir si possible rentrer tôt pour le déjeuner. La tendance à cette heure matinale était Nord-Est. Les différents modèles annonçaient majoritairement de l’Est faible, la balise du déco de Cuges indiquait un léger nord-est en ce début de matinée.
Voici donc mon cahier des charges de la journée : un site pas loin de la maison (située à Aubagne) pour pouvoir rentrer tôt, un site compatible Est et un site sans gadoue. C’est donc évident pour moi à cette époque de l’année c’est le Garlaban qui valide tous ces critères.
Ni une ni deux, en moins de 15 minutes me voilà en partance pour le Garlaban !
Après 5 longues minutes de trajet. ( Je sais pas pourquoi, je suis toujours pressé quand je vais voler … ) me voilà enfin sur le parking du Garlaban. Il n’y a personne, aucune voiture, que moi, enfin pas tout a fait. Je remarque une nuée de corneilles que je vois sortir d’une cassure de la roche sous le déco puis se rendre au niveau du déco Est, faire quelques tours, battre des ailes puis disparaître à nouveau dans leur cachette.
Pour rappel, je suis parti pour faire un plouf sans vent en prenant ma Mentor, ma voile la plus polyvalente, en me disant qu’il serait plus facile de décoller avec elle même par vent nul.
A la vue de ces volatiles l’idée que je suis au bon endroit au bon moment commence à germer dans ma tête.
Je ne perds pas une minute et commence l’ascension. Au bout de quelques centaines de mètres, j’entends un énorme bruit de broussailles derrière moi et je me dis qu’un sanglier me fonce dessus. Je me retourne et je vois les broussailles bougées dans tous les sens, je prends bien mes bâtons de marche en main et soudain, je vois une gazelle (une dame qui marche vite) sortir des buissons avec une carte à la main. Elle me parle de Thalweg mais semble perdue…En lui indiquant le chemin pour rejoindre la croix, mon attention est attirée par les corneilles qui sortent à nouveau de leur cachette, partent en Est pour tester la masse d’air, puis cette fois, elles vont à l’ouest. Elles enroulent quelques tours mais sans monter alors elles rentrent à la base rapidement.
A ce moment là, je commence à y croire un peu plus et si c’était fu-fu aujourd’hui ?
Je continue l’ascension à bon rythme mais pas trop, il faut garder de l’énergie, de la niaque, pour le vol ! Je m’arrête régulièrement pour analyser les conditions.(et reprendre un peu mon souffle c’est vrai…) Alors que je m’attends à avoir du vent, avec ce qu’on se prend en ce moment… pétole, pas le moindre zef !
Arrivé au déco, il n’y a pas de manche à air, l’hélice de la balise piou-piou qui est hors service tourne très lentement en Est. Je pose le sac et me rend logiquement en Est voir comment sont les conditions sur le déco.
D’entrée il y a un petit filet d’air et le déco se trouve suivi d’une cassure qui dessert un plateau ( j’espère ne perdre personne…) C’est bien quand c’est alimenté ! ( Toujours là ?) Mais là ce n’est pas le cas. Je pense donc « mauvaise mayonnaise ! »
Je me rends donc sur le déco le plus à l’ouest, c’est vent nul mais au moins il y a de la distance pour pouvoir courir et s’arrêter si nécessaire.
Une fois ma voile posée tout en haut du déco, j’entends à nouveau du bruit (c’est fou comme on entend bien dans la nature quand il n’y a pas de vent) et cette fois c’est Florence que je vois sortir des buissons. Elle est suivie de son mari puis de Mig et deux autres Rapaces (surnom donné aux membres du club les Rapaces d’Azur).
Chouette, je me dis que je ne vais pas être seul mais aussi que si ils sont là c’est que cela est sûrement The place to be !
Le temps de se saluer de petits cycles thermiques commencent à nous parvenir et comme par magie nous observons la nuée de corneilles qui fait son retour à la chasse aux thermiques !
Cette fois elle vont direct à l’Ouest et nous montrent un beau thermique, un peu près du relief mais très efficace qui les monte rapidement à la croix qui surplombe le Garlaban.
Me voilà en position de fusible, je suis prêt. Il faut être honnête, dans ma tête il est clair que je vais faire un plouf et que je serai avant treize heures rentré pour le déjeuner. Mais au cas où, comme à mon habitude, je m’équipe comme pour partir à la guerre, c’est à dire gants de ski, cagoule intégrale avec masque, double vestes, polaire, camelback, vario, radio, mandarines pour le ravitaillement…Bref la totale…
L’attente est longue, plusieurs minutes avant de pouvoir faire un pré-gonflage. Je tente mon premier gonflage, la voile part à 90 degrés à cause du flux d’Est. Seconde tentative plusieurs minutes plus tard, la voile accroche au sol sérieusement avant de lâcher dans un bruit peu rassurant. J’annonce donc un nouveau pré-gonflage afin de vérifier si une suspente n’est pas coupée. Heureusement ce n’est pas le cas.
Troisième tentative, je gonfle dans un bon créneau, la voile monte très bien, je me retourne et ma voile part à 90 degrés en Ouest cette fois, je stoppe et la repose.
A peine je repose ma voile qu’elle se soulève légèrement et part un peu de dans tous les sens, je pense à un dust…un dust en hiver ? Çà doit être le thermique devant le déco…
La quatrième est la bonne, je pars dans un bon cycle thermique, bien de face. Une bonne course d’élan et me voici en l’air pour entamer un virage à droite vers le thermique montré par les piafs.
Dès les premiers instants je suis surpris par la vivacité de la masse d’air. Je fais les montagnes russes (c’est tout ce que j’ai trouvé, désolé) le long du relief. Il y a trois zones thermiques, une en Est, une en Sud et une en Ouest. Ce n’est pas gagné pour autant les dégueulantes sont sévères et les cycles sont espacés d’autant plus que si près du relief je n’ose pas enrouler avec cette voile qui tourne moins facilement que ma voile habituelle (une Volt 3).
J’arrive tout de même à monter au dessus du déco en me collant au relief tandis que j’aperçois Florence qui décolle, prend le thermique direct sortie du déco et me met un vent vertical de plusieurs dizaines de mètres !
Autant vous dire que derrière c’est produit une belle envolée de moineaux ! En quelques minutes tout le monde était dans les airs !
Alors que je suis parvenu un peu au-dessus de la croix, je vois la fusée Mig enrouler le noyau d’un thermique à une allure phénoménale si bien que je préfère attendre un peu pour ne pas le gêner. J’ai l’impression d’avoir une vitesse d’escargot par rapport à lui. Il est arrivé en haut du thermique et l’a déjà quitté en quelques tours !!!
Alors que je suis toujours en prise d’altitude il me semble entendre à la radio le mari de Florence qui annonce son départ en cross et effectivement je vois deux voiles plus hautes que moi partir vers le Nord. Ça part aussi vers les antennes de Lascours, le Mont Marseillais.
Après avoir pris tout mon temps et vu une voile revenir des antennes un peu basse, je m’élance à mon tour avec une marge confortable de manière à pouvoir rentrer en finesse à l’atterro si besoin. Pour la petite histoire, une semaine auparavant, croyez-le ou pas mais Mathilde et moi sommes allés pour la première fois ensemble nous balader en randonnée que nous appelons sans sac (comprendre sans parapente) aux antennes de Lascours. J’ai indiqué à ma chère et tendre mon espoir d’arriver un jour à voler du Garlaban aux antennes de Lascours.
Me voilà donc en transition, j’en profite pour boire, je tiens ma voile aux arrières et c’est magique je ne perds presque pas d’altitude. Un peu avant d’arriver aux antennes je rentre même dans un thermique dont je profite au passage.
J’arrive aux antennes et pousse un cri de joie en en faisant le tour.
Au retour j’enroule encore deux thermiques puis rejoint le Garlaban. Entre temps j’ai l’impression que les thermiques se sont élargis, ça monte assez fort jusqu’a +4,5, pas mal pour la saison !
Je me balade un peu plus à l’ouest ou un thermique m’a gentiment été signalé par Florence il me semble, ça serait bête de ne pas en profiter. Puis je reviens sur le Garlaban, ça ne fait que monter…Je profite bien de la vue, bien qu’aveuglé par le soleil qui fait une impressionnante réverbération sur la mer. J’en suis maintenant à plus d’une heure de vol, je décide de partir vers Aubagne pour perdre un peu d’altitude. C’est parti pour une longue transition, je surveille quand même le chemin laissé derrière moi et me réserve toujours un atterro potentiel d’urgence jusqu’a arriver en finesse du stade de Lattre de Tassigny que je connais bien.
Je n’ai pas perdu beaucoup d’altitude, je retourne donc vers le Garlaban en direction de l’atterro et j’arrive plus haut que ce que j’espérais, encore au dessus du déco.
Il est temps d’aller se poser alors j’enroule de la dégueulante patiemment et fais quelques wagas histoire de descendre doucement.
A l’atterrissage, il n’y a plus de manche à air, je suis un peu surpris par le manque d’air dans la dernière couche. J’atterris devant Mig avec peu de douceur mais que de joie au coeur…
C’est l’euphorie, on se congratule et on remercie la nature pour ce cadeau.
Florence arrive à son tour, tout en douceur avec un grand sourire aux lèvres.
Un rapace (du club…) arrive, va pour faire la cible, mais en la voyant de plus près (voir photo ci-dessous) fait une manœuvre d’évitement qui se finie en roulé-boulé.
Vu le nombre et la tailles des cailloux on comprend qu’il n’ait pas voulu atterrir sur cette « cible ». La décision est prise, une fois nos ailes pliées nous ferons disparaître la cible au moyen d’une chaîne humaine.
Que ce soit sur le chemin du retour ou au moment de nous séparer, l’euphorie de ce vol ne nous a pas quitté…
Comme quoi, il faut toujours y croire, quelques fois la nature nous donne plus que ce qu’on peut espérer !
A bientôt en vol !
Alexandre Z
L’espoir, l’envie et l’optimisme ! Merci pour le récit.